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INTELLIGENCE COLLECTIVE et politique : 5 QUESTIONS à Yves MATHIEU

Co-fondateur du cabinet Missions Publiques il y a plus de 20 ans, Yves Mathieu avance entre sourire et congruence. Ce belge de naissance, qui fut éducateur à l’Universitad de la Paz (UNIPAZ, créée par Pierre Weil à Brasilia), organisateur du TEDxRéunion, a aussi participé à monter le collectif international Democracy R&D (R pour Randomly, tirage au sort, et D pour Délibération) qui réunit une centaine de praticiens de la délibération citoyenne du monde entier. C’est ainsi qu’Yves et son équipe ont conçu et facilité, au cours de ces 20 dernières années, un millier de réunions participatives, dans une centaine de pays, et ont contribué récemment à l’organisation de réunions régionales dans le cadre du Grand Débat national puis de la Convention Citoyenne pour le climat. Ce qui l’anime dans tout cela ?

L’évidence d’une intelligence partagée par tous sur le terrain, sur ce qui appartient à tout le monde.

L’envie de redonner envie aux gens, quelle que soit leur position, de se remettre dans l’arène du commun et de dialoguer pour sortir des idées ensemble. De redonner le goût de la participation et le sens de la confiance en l’autre sur des sujets politiques…

Grand grand plaisir que ce moment partagé avec Yves !

Nous avons ainsi parlé de #ParticipationCitoyenne de #Démocratie d’#IntelligenceCollective #D’écouteEtDeDialogue de #Confiance. Encore merci à toi @Yves ! #C’estParti 

1/ D’où te vient ce goût, cette envie de travailler sur/avec la concertation et l’intelligence collective ?

Qu’il y ait de l’intelligence sur le terrain, dans le domaine politique, a toujours été une évidence pour moi. Je ne comprenais pas comment, il y a 40 ans de cela, l’intelligence du terrain — c’est-à-dire de nous, les gens, les chauffeurs de bus, les agents de terrain dans les services publics — n’était pas mobilisée pour concevoir les politiques publiques. Cela me paraissait totalement en décalage avec la réalité, les besoins et le potentiel.

Les études de marché utilisées alors comme outils du marketing politique me semblaient aberrantes. Consistant à empiler des points de vue individuels, à faire des paquets, des tris, et en toile de fond, à considérer les citoyens comme un marché, elles ne révélaient rien sur les possibles. Ce qui était un parfait non-sens à mes yeux, par rapport à ce que doit être l’essence de la politique. Or c’est cela qui m’intéresse : les possibles. Les possibles… pour mieux vivre en tant que membre de la communauté humaine, aux échelles où ça se passe : locale, où l’on vit, nationale, la nation à laquelle on appartient, ou mondiale, en tant que membre de l’humanité occupant et partageant une planète.

Qu’est-ce qu’on est capable de transformer dans les 5 ans, dans les 10 ans qui viennent, ensemble, sans mettre les gens dans des cases, sans les enfermer dans des oppositions, des fractures dogmatiques comme les y poussent les partis, des réactions épidermiques comme le font les sondages ?

Je suis donc parti de ce que je vivais comme une aberration, mais aussi et surtout, de mon envie de construire des possibles ensemble et de considérer tout le monde sur un pied d’égalité. L’idée était d’amener la rencontre entre citoyens divers pour produire des visions partagées, des arguments sur les désaccords et les accords, et des propositions. Les gens sont en effet tous compétents quand on parle de politique climat, de politique sociale, de lutte contre la pauvreté et sur tous les domaines des communs ! 

2/ Qu’est-ce qui te semble changer ou avoir changé sur ces pratiques ces dernières années ?

La première que je vois, c’est l’appétit pour ces démarches. Qui se manifeste au niveau des personnes, quand on les appelle, quand on les invite à nous rejoindre. Il y a un taux d’adhésion beaucoup plus fort maintenant. Et un appétit de la part des élus comme des décideurs et experts.

Avec la Convention citoyenne pour le climat, on a aussi vu une évolution très forte des médias. Qui ne considèrent plus cela comme anecdotique, mais plutôt comme quelque chose qui est en train de créer de nouvelles approches de la politique.

On est ainsi passés, en caricaturant un peu, des interviews « trottoir » sur des sujets de façades et de lieux de vie, à des échanges collectifs sur les politiques publiques dans leur grande complexité, avec des journalistes qui prennent le temps de comprendre les processus délibératifs de l’intérieur. En 20 ans ! Cette évolution est exceptionnelle.

3/ Est-ce que tu as vu une différence dans cette façon de s’emparer des outils de concertation entre la Belgique, la France, l’Allemagne, les USA ou ailleurs ?

La France est certainement aujourd’hui le pays plus en pointe là-dessus. On compte en effet chez nous de nombreux experts et chercheurs. Par exemple, l’Institut de la Concertation et de la Participation citoyenne réunit plus de 1 500 professionnels de la participation, qui viennent d’associations, de collectivités, d’entreprises ou de cabinets de consultants. Énorme ! Plusieurs centaines de thésards ont aussi travaillé sur la participation citoyenne et la démocratie ; ils sont réunis au sein d’un groupement d’intérêt scientifique au CNRS. On est le pays où il y a plus fort taux de thèses sur le sujet !

Il y a bien sûr d’autres endroits où cela évolue, mais l’ancrage politique tel qu’on le vit, je ne le vois pas ailleurs, à ce jour.

4/ Par rapport à tous les défis qui nous font face, te semble-t’il y avoir des urgences en matière de concertation et d’intelligence collective ?

Je pense que l’urgence face à laquelle nous sommes aujourd’hui est de réapprendre à se parler et à s’écouter entre citoyens, en mettant dans ce réapprentissage les élus, décideurs et experts. C’est de mon point de vue l’urgence politique numéro 1, quel que soit le sujet. L’écoute et la prise de parole non violente.

Pierre Weil m’a aidé à mettre le doigt sur quelques pratiques concernant l’écoute et la prise de parole, ainsi que dans la construction d’un collectif. Il m’a aussi appris que cela pouvait se faire en très peu de temps.

Et l’intelligence collective se manifeste lorsque l'on sort de la caricature, que l’on rentre dans le sensible et dans le subtil. Quand cela se passe… quand les gens ont dialogué et se sont écoutés, qu’ils ont compris que c’était possible, c’est super touchant de voir combien ils en ressentent du bonheur et de la joie.

5/ Pour une organisation, un gouvernement, un groupe qui voudrait démarrer un processus d’intelligence collective, est-ce que tu aurais des conseils sur les premiers pas ?

Le point d’entrée est pour moi non pas de faire confiance à l’intelligence collective, mais de faire confiance aux gens. Depuis 20 ans, avec Missions Publiques, nous avons organisé directement ou indirectement plus de 1 200 réunions participatives dans le monde, dans plus d’une centaine de pays. Et il n’y a pas un endroit où cela a échoué.

Faire confiance.

Par exemple, quand je les accompagne sur ce type d’échanges, je propose souvent aux élus de ne pas conclure la réunion, mais de tirer au sort 5 personnes et de leur donner le micro pour le faire. Cela permet aux élus comme aux décideurs de sortir de cette illusion de devoir ouvrir, de devoir clôturer, de devoir avoir le contrôle sur ce qui se passe.

Lâcher. Faire confiance. Expérimenter.

Et pour conclure… Malgré tous les signaux, dont beaucoup parlent de méfiance, il faut pour moi nourrir la confiance. Et la bonne nouvelle, c’est que cela se passe dans la rencontre, c’est-à-dire des gens dans des salles, des scènes, des parcs (comme les Dialogues en humanité), des forêts… où l’on veut, mais des gens qui se rencontrent, se parlent et prennent le temps de s’écouter. Et avec de la méthode, cela fonctionne. La confiance se retrouve alors très vite. Très très vite. Et il faut voir les gens quand ils sortent de ce type de moments : ils sont heureux. Il y a vraiment du bonheur personnel et public qui ressort de cela !

Retrouvez l’interview dans son intégralité sur mondedespossibles.today : nous y parlons du grand débat national, de la confiance que l'écoute et le dialogue peuvent permettre de réveiller, d'un congrès de l’Institut des Sciences Noétiques, institut créé par l'astronaute Edgar Mitchell et qui se consacre à la conscience collective, ...

Le site de Missions Publiques : https://missionspubliques.org/

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Propos recueillis le 24 Janvier 2020 - Carole Babin-Chevaye, auteure de textes et de moments au service de demains qui donnent en-vie.
C'est avec les outils de la #CONDUITE DU CHANGEMENT, des processus d'#IDEATION, de l''#INTELLIGENCE COLLECTIVE, du #CHEMIBEMENT PERSONNEL et de l'#ECRITURE que j'accompagne les dirigeants, startupers, chefs d'équipes, associations et projets. Objectifs :

1. inviter chacun des membres à enrichir le groupe avec son histoire, ses talents et couleurs propres

2. s'inscrire dans des futurs réalistes au regard des limites écologiques et sociales des vivants et de la planète

3. s'investir dans une vision qui mette en mouvement et réveille l'optimisme, énergie autonome et abondante.

Les 3 leviers de ma méthode :

1. Cheminement personnel-> donner à chacun sa place pleine, riche et unique pour des JE accueillis

2. Intelligence collective -> recréer du lien et des zones de dialogues et d'écoute pour générer un « NOUS » fort

3. Ecriture d'un futur qui fasse en-vie, dont les jalons pour y arriver remettent en mouvement et en enthousiasme.

Contactez-moi : cbc (@) cbabinchevaye.com