Revenir au site

INTELLIGENCE COLLECTIVE, à l'heure du déconfinement : 5 QUESTIONS à Nancy BRAGARD

Nancy Bragard… Franco-américaine, cette spécialiste de la biculturalité et du Art of Hosting, que l'on pourrait traduire par "accueillir et récolter les conversations qui ont du sens", (approche du leadership pour cocréer des solutions innovantes aux problèmes & défis, importée par Nancy en France en 2010) multiplie les cordes à son arc. Mais plus important pour moi encore, de rencontrer Nancy m’a donné le sentiment de toucher du doigt ce qu'était la congruence. Entre mots, attitudes et activités… tout est là. Sa lumière comme son sourire, son authenticité et sa personne tout entière dans l’écoute m’ont frappée.

Et tandis que la Terre entière tourne au ralenti, freinée de partout par un virus invisible mais virulent… ; que le déconfinement ne parle pas encore de ces libertés retrouvées auxquelles nous aspirons, d’échanger sur le collectif avec Nancy s’est imposé à moi !

Nous avons parlé d’une sortie de confinement au sujet de laquelle Nancy évoque l’idée et le besoin de sas. D’interculturalité dans la façon de vivre les contraintes et l’axe sécurité/liberté, entre Américains, Allemands et Français. De la différence entre hoster un événement et le faciliter. Et je n’ai d’ailleurs malheureusement pas trouvé la place de tout laisser…

Mais #CParti ! So thanks dear Nancy !

Q1. Toi qui travailles sur le collectif, en présentiel — fort mis à mal avec le confinement —, comment vas-tu ? Et que t’inspire ce moment de crise ?

Avec cette crise sanitaire, j’ai l’image de l’univers nous tapant sur l’épaule et nous disant : « Hey, les gars, ce n’est pas ça. Là, vous avez échoué sur tous les fronts, donc rentrez chez vous, retournez à vos études et réfléchissez. Faites un voyage intérieur, d’abord individuellement puis collectivement. Et vous reviendrez dans… » - on ne savait pas que cela allait être du 18 mars au 11 mai ! mais « revenez autrement. » J’ai l’impression que l’univers nous donne en effet une 2e chance là ; et qu’il nous appartient d’œuvrer, toi, moi, et tous ceux qui pensent et travaillent à essayer justement d’ouvrir cet autrement. Je vois cela comme une opportunité.

Mais aussi… j’accueille ce moment, car ce sont bien les pratiques qui sont les nôtres, Art of Hosting : accueillir ce qui vient. Partant du principe que ce qui est là est là parce que c’est la seule chose qui pouvait arriver.

Je suis confinée seule, et cette intériorité invitée est arrivée au bon moment : j’avais besoin de cela. J’avais besoin de ce temps face à face avec moi-même ; de ce rendez-vous avec moi-même.

Si je fais l’analogie avec la danse, mon partenaire préféré, pendant cette période, a été cet accueil, d’être avec. De prendre ce qui vient — soit une énergie positive et constructive. Et je me suis toujours sentie invitée à la vie pendant ce confinement. À sentir mon corps et l’air, à voir et entendre les oiseaux quand je sortais.

À l’inverse, le partenaire avec qui j’ai dansé le moins souvent, et avec le moins de joie, a été la solitude. Et c’est tout cela, cette crise. Elle nous fait gérer des paradoxes, être dans le ET, pas dans le OU.

Q2. Par rapport au déconfinement qui est en train de se profiler, se superpose l’image d’une reconstruction d’autre chose peut-être… Quelle serait ta proposition des premiers petits pas qu’un leader pourrait faire afin que cet « après » ne soit pas à l’identique de « l’avant » ?

Je lui proposerai d’être présent. Présent à ce qui est.

D’avoir le doigt sur le pouls de ce qui se passe au retour va permettre au leader de tenir compte de la dynamique, de l’envie, de la motivation et de ce qui se passe pour ses collaborateurs, ses contributeurs. Je ne souhaiterais vraiment pas que l’on revienne avec comme seule perspective la reprise du boulot, des résultats, de la production, du business as usual. Mais qu’il y ait un sas. Une sorte de sas pour se rendre compte, pour capter ce qui est là en énergie, en ressenti, en émotion, en présence, des collaborateurs.

Un vrai leader ne peut pas faire cela tout seul ; il peut donner le ton ou la couleur, mais invitera à faire cela collectivement, avec l’ensemble des salariés et des différences forces vives.

Q3. De ton avis, est-ce que les collectifs (les collaborateurs, les membres d’une asso, etc.) ont des besoins spécifiques en ce moment ? Et si oui, quel type ?

Je pense que les collectifs ont des besoins, mais que ces derniers, pour l’instant, sont plutôt dans la tête du fait du confinement. Par exemple, avec le collectif de Art of Hosting, nous avons prévu un séminaire début juillet 2020. Nous ne savons toujours pas si nous pourrons le faire d’ailleurs, mais pour l’instant, ce collectif a envie de l’organiser, et beaucoup de personnes nous ont dit qu’elles souhaitaient le faire. Mais c’est au niveau de la tête qu’on dit cela, et le corps, l’âme, le cœur, les tripes n'ont pas pu s’exprimer puisque nous sommes isolés les uns des autres.

Je pense — mais c’est sans doute une projection — que le collectif a besoin de connecter les individus entre eux, parce qu’il n’existe que grâce à ceux qui le composent. Mais en même temps, quand les choses pourront se faire, est-ce qu’il ne va pas y avoir, après ces presque 2 mois d’isolement, une certaine peur de se retrouver ? Et qu’est-ce que cela va donner de ne pas pouvoir s’approcher des uns des autres ? De ne pas pouvoir se tenir la main, en cercle, ce qui serait alors tellement à l’encontre de nos façons de fonctionner au sein de Art of Hosting. C’est un vrai questionnement.

Q4. Toi qui as importé Art of Hosting chez nous, est-ce que tu vois des couleurs ou des spécificités qu’il peut amener pour incuber ce déconfinement ?

C’est ce que je voulais dire quand je disais que pour moi, le leader qui était vraiment un leader n'allait pas mener seul les échanges et la phase d’écoute, mais qu’il allait inviter les autres à faire avec lui. Pour un déplacement collégial collectif. Une co-exploration.

De nombreuses personnes comparent Hosting à la facilitation. Nous, on dit que c’est « presque pareil… mais pas tout à fait » 😊 Quand tu facilites le travail d’un groupe, tu fais émerger ce qui est inhérent au public, à l’équipe avec qui tu travailles, mais tu n’en fais pas partie, restant à une certaine distance. Tu es dans en posture professionnelle, plutôt basse, à faire en sorte que le collectif exprime lui-même ce qu’il a à faire sortir.

Alors que dans hosting, tu fais avec. Tu en es. Il y a cette forme d’« égalité », d’appartenance au groupe qui fait que tu peux toi aussi dire, en début de journée : « je tremble un peu devant cette idée de faire cela avec vous. Est-ce que je vais être à la hauteur ? » Et ainsi, de pouvoir nommer ses fragilités ; d’être vraiment dans l’authenticité de ce qui est.

Je pense que cela sera primordial à la reprise de pouvoir mettre des mots et désigner nos fragilités, nos vulnérabilités ; que l’on puisse amener la totalité de qui on est, que l’on soit leader ou technicien de propreté. Quel que soit son poste, sa responsabilité. Y être entièrement, avec toute sa personne.

Q5. Et pour conclure, entre COVID 19 & déconfinement, collectifs & chantiers face à nous…

Je partageais avec toi cette image que j’ai de l’univers nous tapant sur l’épaule, et nous disant « Rentrez chez vous ! Refaites vos devoirs, retournez aux études, vous ferez différemment ». Et je pense qu’il nous donne une 2ème chance, mais qu’il ne nous en donnera pas une 3ème.

Il y a quelque chose que je n’ai pas encore nommé : un sentiment d’urgence. D’urgence et de la dernière chance. Qui fait que si l’on retourne au business as usual, on aura un prix très fort à payer.

J’espère vraiment qu’on sera conscients de la nécessité de faire autrement après le confinement, à la reprise. Je fais partie du mouvement Appréciatif, où nous sommes à vouloir identifier les forces vives et ce tout qui fonctionne bien, pour en faire des moteurs. Et donc, cela me coûte un peu de finir sur ce mot-là, sur cet avertissement de « c’est peut-être la dernière chance ». Mais je le nomme parce que je le sens…

Nancy Bragard

Quelques liens :

- Art of Hosting

- Regards interculturels

- 2 vidéos donnant un aperçu de la pratique au coeur d'Art Of Hosting, l'art d'agir ensemble :
. https://www.youtube.com/watch?v=yzB385ja-YM
. https://www.youtube.com/watch?v=lix6laQciog

- Tous les articles de ce blog sur #intelligence collective et #changement

- La newsletter pour être tenu au courant des prochains articles

Propos recueillis le 27 avril 2020 par Carole Babin-Chevaye, auteure de textes et de moments au service de demains qui donnent en-vie.

C'est avec les outils de la #CONDUITE DU CHANGEMENT, des processus d'#IDEATION, de l''#INTELLIGENCE COLLECTIVE, du #CHEMIBEMENT PERSONNEL et de l'#ECRITURE que j'accompagne les dirigeants, startupers, chefs d'équipes, associations et projets. Objectifs :

1. inviter chacun des membres à enrichir le groupe avec son histoire, ses talents et couleurs propres

2. s'inscrire dans des futurs réalistes au regard des limites écologiques et sociales des vivants et de la planète

3. s'investir dans une vision qui mette en mouvement et réveille l'optimisme, énergie autonome et abondante.

Les 3 leviers de ma méthode :

1. Cheminement personnel-> donner à chacun sa place pleine, riche et unique pour des JE accueillis

2. Intelligence collective -> recréer du lien et des zones de dialogues et d'écoute pour générer un « NOUS » fort

3. Ecriture d'un futur qui fasse en-vie, dont les jalons pour y arriver remettent en mouvement et en enthousiasme.

Contactez-moi : cbc (@) cbabinchevaye.com