Facilitateur de la première heure, déjà engagé dans cette forme de soin aux autres quand certains ne connaissaient pas encore ce terme, fondateur du cabinet Formapart, auteur de Devenir Facilitateur : bienvenue à Jean-Philippe Poupard !
L’homme sait autant « parler tête », stratégie et systémie, sans naïveté, au service de la construction d’un autre modèle de société, que « parler cœur », inclusion, empathie et engagement.
Doté d'une expérience internationale, connaissant les grands groupes dont il est issu et qu’il conseille, Jean-Philippe Poupard soutient que les rôles qui rendent les collectifs créateurs de leur destinée commune, apportant ainsi une valeur ajoutée sociale dans l’entreprise, vont prendre une grande importance dans les mois et années à venir. Entre dimension stratégique et responsabilité de ce rôle au service du groupe et du bien commun.
Le jour de cet entretien, la France est confinée depuis quelques jours ainsi que près de la moitié de l’humanité… Nous avons parlé de #Collectif&Confinement #Confiance #PrendreSoinDesAutres #FacilitationADistance.
Merci encore Jean-Philippe. #CParti !
1. En quoi la crise du coronavirus requestionne le management à distance et les moments collectifs d’une/des équipes ?
Pendant le confinement, les managers n’ont d’autre choix que de faire confiance aux équipes. Tout comme celles-ci n’ont d’autre choix que de se responsabiliser en prenant notamment plus d’initiatives. Quand le télétravail ne concernait qu’une journée par semaine, les managers pouvaient garder un sentiment de contrôle et rester dans un style de management relativement classique. Ce n’est plus possible après quelques semaines de confinement. Les managers sont plongés malgré eux dans un autre modèle de management pour lequel bon nombre d’entre eux n’ont jamais été préparés. Et tout ce qui dysfonctionnait avant, en présentiel — manque de communication, mauvaise gestion des tensions relationnelles, marques de désengagement, etc. — tend à dysfonctionner plus fortement pendant le confinement. C’est pourquoi les équipes ne survivront pas à des réunions en ligne de piètre qualité. Et il ne pourra plus être question que des seules urgences opérationnelles, il faudra nécessairement prendre le temps de s’enquérir du vécu de chacun, de la situation sanitaire de leurs proches, de leurs peurs, de leurs besoins, tout ce qui pendant trop longtemps a été largement ignoré.
Il y a un grand besoin de contacts, d’être entouré, de se relier. Les temps collectifs en ligne vont devoir faire l’objet de la plus grande attention de la part des managers.
Le niveau de conscience et d’exigence sur le sens de ce que l’on fait/produit monte aussi en flèche et il va sans doute y avoir un grand nombre de ruptures de parcours, à la fois personnels et professionnels après le confinement… Comment les entreprises vont-elles absorber le choc d’un changement d’attentes viscérales d’une part grandissante des salariés, ne se limitant plus aux seuls jeunes talents tant recherchés ?
Même si la situation est dramatique et les effets collatéraux à venir colossaux, il y a des opportunités de changements radicaux et dans toutes les sphères de la société.
2. Comment te vois-tu participer à redonner du plaisir à l’ouvrage et de la place pour chacun à l’heure du télétravail ?
Quand tout est complètement ébranlé, fissuré, ce n’est pas le moment de réfléchir à comment ramener tout le monde dans des boîtes et des processus de contrôle stériles devenus en quelques semaines radicalement anachroniques ! Le plus dur a été fait : l’extraction de notre zone de confort et l’effondrement de nos convictions de toute puissance. Pour la première fois depuis au moins la Seconde Guerre mondiale, l’avenir est une page plus vierge qu’elle n’a jamais été. C’est mon espoir, et c’est là que j’ai envie d’agir : contribuer à aider les entreprises à tirer les enseignements de cette grande crise et préparer l’après pour ne pas repartir sur les mêmes bases qu’avant. Ce serait la pire chose qui puisse nous arriver collectivement : ne pas tirer les conséquences de la mise à l’épreuve funeste de notre fragilité systémique. L’inertie a été balayée ; profitons-en pour reconstruire de nouvelles bases et changer intelligemment nos organisations au profit d’une société plus juste et plus résiliente !
J’espère que dans cette reconstruction, nous allons prendre conscience de toute la valeur que représentent ceux qui prennent soin de l’humain dans l’entreprise.
3. Pour toi, comment muscler les attitudes qui visent l’intérêt collectif versus les comportements individualistes — pouvant se renforcer dans cette période où chacun est chez soi ?
On a besoin plus que jamais de se serrer les coudes, de sentir qu’on est avec les autres, proches d’eux, que chacun apporte sa contribution, son effort de guerre.
D’où l’importance d’avoir des personnes dont le rôle est de prendre soin des autres, des liens qu’elles entretiennent entre elles, et de faire passer le courant au sein de l’équipe en faisant sincèrement confiance au collectif. C’est ce que les équipes vont attendre des managers, dont les rôles et compétences vont devoir drastiquement évoluer. Les managers de demain ne seront pas ceux d’hier.
Les dirigeants vont devoir aussi ouvrir la voie de ce management « altruiste », poser des actes forts dont quelques exemples ont été relayés dans la presse professionnelle (baisses des rémunérations, report des dividendes, contribution aux efforts sanitaires de la nation, etc.). Pour ne pas rester dans le registre des belles intentions, qui risqueraient d’être vite oubliées dans l’agitation de la reprise post-confinement, des décisions comme celles-ci sont à prendre maintenant et à incarner dans des actes rapidement.
4. Chez Formapart, vous avez un jalon d’avance en facilitation à distance, la pratiquant depuis longtemps. Quels en sont pour toi les ingrédients particuliers ?
La facilitation à distance repose sur les mêmes principes que la facilitation en présentiel (inclusion, divergence, temps d’émergence, convergence, variation de la taille du groupe, etc.). En revanche, la manière de procéder est tout à fait différente et exige une réflexion sur la transposition qui ne peut être bâclée en quelques séances de test. Il ne s’agit pas donc d’une réinvention totale, mais d’une transposition intégrale. Et le champ de créativité est vertigineux ! C’est d’ailleurs ce qui est particulièrement excitant dans l’apprentissage de la facilitation à distance ; on redécouvre une tout autre manière d’exercer son métier de facilitateur.
Et la diversité des styles de facilitation à distance est intacte. Comme en présentiel, la technique n’est qu’un moyen pour servir une intention, un style, une pâte.
Il est bon de préciser également que la courbe d’apprentissage pour faciliter des moments puissants à distance est plus longue qu’en présentiel, tant pour le facilitateur que pour les participants. Le temps d’appropriation de l’environnement technique (qui d’ailleurs est très variable d’un contexte client à un autre) exige du temps.
À distance, avec des participants qu’on ne voit pas tous toujours, il faut préférablement être 2 a minima pour développer notre acuité sensorielle. Quand l’un s’occupe de toute la partie technique, la gestion des différents supports, du chat, des connexions et déconnexions, etc., l’autre peut se concentrer sur les consignes, les transitions et la dynamique du groupe.
Enfin, à distance, le désengagement est plus facile ; le processus doit être encore plus engageant avec, entre autres, des étapes plus courtes, des espaces d’échanges plus rythmés et encore mieux cadrés.
5. Pour conclure, finalement… dans ce moment où près de la moitié de l’humanité vit un moment historique avec ce confinement ?
À la création de Formapart en 2009, le monde était déjà en crise – post 2008. J’avais la vision que si l’on ne voulait pas que le monde se fragmente, que les différentes organisations (équipes, BU, entreprises, associations) se recroquevillent sur elles-mêmes, il faudrait des facilitateurs partout à l’œuvre pour permettre à tous d’élever des ponts ; pour permettre à nos complémentarités de se rencontrer et de construire l’avenir ensemble. J’étais convaincu que le rôle de facilitateur deviendrait clé dans la vie des organisations.
Le confinement nous a physiquement disloqué les uns des autres. Plus que jamais, il est utile d’emmener partout la facilitation de processus d’intelligence collective afin de créer de l’inclusion, du lien et du sens commun dans toutes les sphères de la société.
Quelques liens :
- TEDx Rennes "Tous facilitateurs du travail de demain"
- Tous les articles de ce blog sur intelligence collective et changement
Propos recueillis le 25 mars 2020 par Carole Babin-Chevaye, auteure de textes et de moments au service de demains qui donnent en-vie.
C'est avec les outils de la #CONDUITE DU CHANGEMENT, des processus d'#IDEATION, de l''#INTELLIGENCE COLLECTIVE, du #CHEMIBEMENT PERSONNEL et de l'#ECRITURE que j'accompagne les dirigeants, startupers, chefs d'équipes, associations et projets. Objectifs :
. inviter chacun des membres à enrichir le groupe avec son histoire, ses talents et couleurs propres
. s'inscrire dans des futurs réalistes au regard des limites écologiques et sociales des vivants et de la planète
. s'investir dans une vision qui mette en mouvement et réveille l'optimisme, énergie autonome et abondante.
Les 3 leviers de ma méthode :
1. Cheminement personnel-> donner à chacun sa place pleine, riche et unique pour des JE accueillis
2. Intelligence collective -> recréer du lien et des zones de dialogues et d'écoute pour générer un « NOUS » fort
3. Ecriture d'un futur qui fasse en-vie, dont les jalons pour y arriver remettent en mouvement et en enthousiasme.
Contactez-moi : cbc (@) cbabinchevaye.com