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UCHRONIE : Ouvrir les futurs pour libérer le présent, avec Mathieu Baudin et Isabelle Giordano

Ouvrir les futurs pour libérer le présent,
quand Mathieu Baudin, historien prospectiviste
est interrogé par Isabelle Giordano, philanthrope engagée.

Isabelle Giordano :

Septembre 2040, à Delphes. Entre des pierres millénaires, une mer d’oliviers et une vue plongeante vers le golfe de Corinthe… le voilà, ce moment que nous attendions tous depuis si longtemps.
À près d’une myriade, investissant l’ensemble du village de Delphes, nous sommes sur LE point du monde où l’on parle de futurs régulièrement. Une tradition d’avenir remise au gout du jour depuis les années 2020.
La Quintennale des futurs qui s’étale sur 1 mois à l’échelle planétaire.
Où chacun façonne l’évènement qui lui va, sur le temps qui lui sied.
 
Et en cette date symbolique, toutes les organisations sont venues faire résonner leurs points d’orgue…
Le momentum des momentums.
Tiens… c’est qui ces jeunes au sourire lumineux
qui arrivent pour nous accueillir ? Tu les connais Mathieu ?
Mathieu Baudin :
— C’est Jeanne, ma fille ! Avec plusieurs de ses ami(e)s.
Ils sont tous là, qui ont 20 ans ou quasi cette année :
Jeanne, Adèle, Philéas, Ulysse, Elie, Térésa et les autres. Je crois tellement en cette génération !
Ils ont tous les ingrédients : curiosité, énergie, connaissance, réseaux interconnectés, multilinguisme, bienveillance et bien vaillance… Ils partent de plus loin que nous, et vont pouvoir nous dépasser.
Le monde en a encore besoin.
— C’est vrai que ces jeunes sont d’une ouverture à demain comme on en jamais eue !
Ils savent profondément que demain dépend d’eux.
Qu’ils ont à la fois une responsabilité et une marge de liberté incroyable.
C’est dû en grande partie à ces cours de futurs qui ont émergé dans les années 2025, sous des formes aussi variées que la diversité des enseignants sans précédent qui les professaient.
Des historiennes et des historiens racontaient aux collégiens l’histoire des temps à venir, quand des scientifiques imaginaient des révolutions technologiques pouvant changer notre perception du monde ; les professeurs d’EPS, eux, ont proposé du sport mental et des cours d’autodéfense intellectuelle, tandis que celles et ceux d’éducation civique ont construit des cours d’éducation planétaire, où la nature fut dotée de droits en prévision de la terraformation de mars. Cela nous amena à penser nos relations aux autres différemment… humains et non humains.
Tous sentients.
Chacun a ainsi invité l’horizon dans ce qu’il dispensait. Tu le disais d’ailleurs souvent :
demain sera profondément ce que l’on va en faire. Et là était la clef. Ce n’était pas le passé qui continuait, ou un présent augmenté, mais un ad-venir qui était convoqué.
De concert, le Vice-Premier-Ministre du Temps Long,
arbitre de
l’ikigaï des projets,
et le Secrétaire d’État aux Bonnes Idées
en charge des expérimentations

ont mis le futur à l’actualité au début des années 30.
Nous nous sommes ainsi mis à regoûter le Temps Long, plantant des forêts pour que de petits-petits-enfants puissent baigner en biodiversité.
L
’invitant au cœur de nos décisions nous désaliénant de ce court terme dont on ne savait plus vraiment à quel moment. On l’avait choisi pour seul horizon.
L’ensemencement du réel est dû en grande partie à ces Conspiratrices et ces Conspirateurs positifs.
Qui, face au déni, ont préféré le déclic ;
et face à toutes celles et ceux qui disaient :
- c’est impossible
ont répondu
- OK, on s’en occupe .
Au milieu des années 30, Les Nouveaux Médicis se sont enfin révélés,
eux qui ont sanctuarisé des pans entiers de forêts primaires pour que plus rien ne s’y passe…
Rien faire dans un monde où tout bouge… un véritable acte de résistance créative !
Nous avons aussi eu un allié inattendu… les pandémies.
Qui nous ont forcés à faire la pause dont nous avions profondément besoin sans jamais nous permettre de prendre le temps de la faire. Provoquant l’arrêt de nos habitudes, elles nous ont permis de faire l’inventaire de l’essentiel.
Et nous nous sommes aperçus que nous partagions les mêmes envies, les mêmes aspirations comme… se reconnecter à soi, aux autres et à la planète ;
prendre du temps pour élever nos enfants, véritable richesse de demain ;
ou arrêter de faire ce qui était inutile — l’apoptose dont parlait Pascal Picq. Laissant passer ce qui était dépassé.
Puis, on a amélioré ce qu’on ne faisait pas si bien que cela pour le monde dans lequel on voulait vivre. Et plus encore, on a adopté plein de nouveaux comportements à titre personnel, dans nos emplois, dans nos villes, dans nos régions, dans nos pays.
Tout le monde était bienvenu, avec la puissance qu’il avait envie d’allouer pour faire sa part… de pélican — vu l’ampleur de la tâche.
Quel chemin Mathieu ! Et je te retrouve, toujours doté de cette incroyable énergie que tu as désormais mise au service de la nouvelle génération. Qui a décidé de reprendre le chantier en poursuivant l’aventure.

Mathieu Baudin :

- Ce qui est bien avec le futur, c’est qu’il est toujours d’actualité !
Et ce qui est bien avec les pierres, c’est qu’elles élèvent toujours les femmes et les hommes qui les érigent.
Quelle que soit l’époque.
Quel que soit le genre.
Quelles que soient les générations.
D’Hypatie,
de Patrick
à Jeanne…

Un texte que j'ai co-écrit avec Mathieu Baudin pour l'épisode 20 du podcast Dites à L'Avenir que Nous Arrivons.

*Uchronie, sur wikipedia : Selon l'inventeur du terme, Charles Renouvier, l'auteur d'une uchronie « écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit ».